Après Bâle, nous aborderons Stuttgart, dont les transports publics pourraient aussi largement nous inspirer. Le but n’est pas une description détaillée du système de transports, mais d’en extraire quelques bonnes pratiques qui, appliquées chez nous, seraient susceptibles d’améliorer notre mobilité quotidienne.
Stuttgart est une grande agglomération (630.000 habitants, mais dans une conurbation beaucoup plus large) située en Bade-Wurtenberg, en Allemagne. Elle est surtout connue pour son industrie automobile, ce qui transparait clairement dans l’urbanisme, datant d’après-guerre : larges avenues rectilignes à grand trafic, sans transports en commun visibles, que les piétons sont invités à traverser dans des galeries souterraines. Heureuse exception : un centre-ville largement piétonisé, quoique toujours sans trams ou bus ; quelques stations souterraines l’encadrent ; une seule le dessert vraiment. Aux abords, la gare centrale, en cul-de-sac mais qui fait l’objet d’une refonte fondamentale par la construction d’un axe ferroviaire perpendiculaire, avec une ligne traversant la ville. Ce mégaprojet devrait être mis en service dans quelques années.
Les transports urbains, eux, ont déjà fait l’objet d’une conversion en profondeur, passant du tram à ce qu’on appellera semi-métro ou métro léger. Eux-mêmes le nomment Stadtbahn mais indiquent les stations par le U de U-bahn ; ce U non pour « Untergrund » (souterrain, qui signifie généralement métro en Allemagne) mais bien « Unabhängig », indépendant (du trafic). La nuance est importante parce que les tunnels ne représentent qu’une petite partie du réseau.
Un métro, très à la mode à l’époque et adopté par la voisine Nurenberg, a bien été envisagé un bref moment, mais il y a été renoncé pour différentes raisons, notamment la logique de réseau et la concurrence avec le futur S-Bahn (RER).
La conversion a été une opération de de longue haleine (de 1966 à 2011 !), d’autant compliquée qu’on est passé de trams à voie métrique à un réseau à voie normale. Anecdote : quelques sections de ligne, y compris en tunnel, ont conservé trois rails pour que les trams du musée puissent encore parcourir des trajets en ville.
Actuellement, sur le terrain, il s’agit d’un réseau ferré (des autobus assurent un modeste rôle de complément), assez étendu (136 km d’axe), totalement intégré, et fortement maillé : 17 lignes de U-Bahn permanentes, 2 lignes de renfort, plus un tram à crémaillère et un funiculaire. Les lignes totalisent plus de 280 km, ce qui permet la plupart des trajets sans correspondances.
Il comporte quelques tunnels (environ 26 km, soit 19 % du réseau), surtout au centre-ville ; l’essentiel est toutefois constitué de sites propres souvent au centre de boulevards, quelques tronçons en voirie partagée. À noter que la topographie d’une partie de la ville est assez sévère, ce qui se reflète dans le réseau, avec notamment une section de ligne en rampe de plus de 8 %, probablement un record pour un tram sans crémaillère.
Les sites propres rencontrent peu de carrefours, équipés de signalisation lumineuse, dans certains cas commandés par les véhicules en approche, qui ainsi ne doivent que peu – voire pas du tout – ralentir. Des passages pour piétons réduisent les distances entre possibilités de traverser. Sauf en tunnel, la circulation se fait à vue, permettant un espacement réduit entre convois, utile pour une circulation fluide sur les tronçons où la fréquence est élevée.
La vitesse commerciale, de loin supérieure à celle d’un tram urbain classique, est digne d’un métro : de l’ordre de 27 km/h. Elle n’est pas détériorée aux heures de pointe par les encombrements de voirie.
L’intervalle de passage sur chaque ligne, à l’instar d’une pratique classique en Allemagne, est de dix minutes en journée ; la redondance des lignes réduit ce chiffre sur de nombreux tronçons ; il peut tomber à deux minutes à proximité du centre.
Les véhicules sont généreusement dimensionnés : il s’agit à la base de convois de deux voitures, totalisant 39 mètres de long et 2.65 mètres de large. Cette dernière valeur devient un standard ; elle permet quatre sièges de front. Il en résulte cent dix sièges (80 % de plus qu’un tram bruxellois, à longueur égale), afin de respecter un principe qui veut que tout le monde voyage assis. Sur certaines lignes on adapte l’infrastructure pour permettre des unités doubles (220 places assises donc, nettement plus qu’une rame de métro à Bruxelles).
Un bémol peut-être : conçus avant l’avènement du plancher bas, les véhicules sont donc à plancher haut. Avec pour inconvénient l’exigence de quais hauts, pas toujours très esthétiques en ville. À relativiser, parce qu’ils sont toujours installés sur les sites propres, souvent généreux en termes d’espace. Et pour avantages un accès de plain-pied généralisé (« barrierefrei »)… et un confort de roulement jusqu’à présent inégalé par les trams à plancher bas.
Les véhicules, leur fréquence de passage, la vitesse commerciale, et le nombre de lignes directes assurent aux usagers des déplacements rapides et confortables dans toute l’agglomération de Stuttgart. Au bénéfice de ses habitants, qui le lui rendent bien, avec un taux d’utilisation fort élevé … dans la capitale de l’automobile, rappelons-le.
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Bref quelques idées – réseau maillé limitant les correspondances, fréquences élevées, grande capacité des véhicules, spécialement en termes de places assises, circulation rapide et fluide, … –, garantes de qualité du service, dont l’application ne ferait pas de mal à Bruxelles par exemple.