Nos édiles n’ont de cesse d’annoncer d’ambitieux objectifs pour les transports en commun. Et en même temps – austérité oblige ; schizophrénie dispose – de réduire les moyens mis à leur disposition. Alors : tout espoir est-il perdu ?
Indépendamment de l’organisation d’un service efficient correspondant aux besoins des usagers et usagers potentiels – mais ce n’est pas le propos ici -, il n’y a pas de miracle…
Quoique. On peut quand même agir.
Il y a actuellement environ dix fois plus de gens qui se déplacent en voiture qu’en train, métro, tram ou bus. Bien sûr la voiture est souvent bien pratique ; et de plus en plus souvent offerte par les contribuables, via le système dit des voitures de sociétés. Mais ça n’explique pas tout : la proportion – la part de marché de la voiture – est exagérée par rapport à un choix optimal. Pour la plupart des Belges, elle est une évidence, sans plus : « ma voiture c’est ma liberté ».
Les transports publics sont eux un concept abstrait, auquel on ne songe même pas.
D’ailleurs, comment ça marche ? Il y a un bus qui va là où je dois me rendre ? Quand ? Où faut-il le prendre ? Il y en aura un pour rentrer ? C’est cher ?
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Autant de questions évidentes pour un non-habitué, un usager potentiel ; aucun d’entre eux ne prendra le bus, train, … à défaut de réponses à ces (ses) questions.
Questions auxquelles nos entreprises de transport en fait répondent mal, voire très mal.
La STIB est sans aucun doute l’exception, avec un plan du réseau et des horaires de passage, y compris souvent en temps réel, affichés aux arrêts, l’annonce des arrêts dans les véhicules, une application et un site internet pas parfaits mais assez lisibles et fonctionnels. Il n’y a pas de distributeurs de titres de transport sauf dans les stations de métro, mais il est possible de payer avec une carte de banque.
La SNCB n’a pas de plan de réseau mais des tableaux affichés dans toutes les gares avec les horaires et itinéraires des trains, une annonce des départs en temps réel dans quelques-unes (peu). Dans un nombre croissant de trains les arrêts à venir sont aussi annoncés. Les distributeurs de billets, présents dans toutes les gares, sont conviviaux, ce qui est une gageure pour expliquer des tarifs d’une complexité imbuvable (mais là on nous annonce des changements). L’app et le site sont assez lisibles également, quoiqu’il ne soit pas évident de retrouver l’horaire des trains autres que celui d’un déplacement précis qu’on demande.
De Lijn fait moins bien. Les usagers, même habitués, en font les frais depuis la dernière restructuration en janvier dernier : on voit depuis lors des arrêts où est simplement mentionné « arrêt supprimé » ou « ici quelque chose a changé », sans plus, avec un QR-code pour suggérer de se renseigner sur une application qui est loin de répondre correctement ; d’autres arrêts avec des horaires mentionnent d’anciennes lignes alors que les bus portent de nouveaux numéros et parcourent d’autre itinéraires, … On suppose que tout ça se remettra en ordre (ça fait quand quatre mois au moment d’écrire ces lignes), mais il demeure qu’il n’y a (presque) nulle part de plans de réseau et que les horaires aux arrêts ne mentionnent pas les itinéraires des bus. On oublie aussi les informations sur les tarifs. Dans les bus presque (où ?) pas d’annonce des arrêts. Sur le site il est théoriquement possible d’obtenir les horaires mais la procédure est compliquée et peu performante.
Et le TEC est en dessous de tout. Ou presque : c’est vrai qu’à la plupart des arrêts (pas tous), il y a, selon les régions, soit les heures de passage, soit un horaire qui lui indique le parcours avec les heures aux principaux points mais pas toujours à l’endroit où on se trouve ( !). Les horaires sont mal présentés, difficiles à lire, d’autant que, en milieu rural, les bus d’une même ligne ont souvent des itinéraires différents selon l’heure et le jour, d’où une kyrielle de renvois en bas de feuille, parfois un pour chaque parcours annoncé. Il n’y a sauf exception pas de plans du réseau. Dans les bus pas d’annonce des arrêts. L’application et le site sont loin d’être conviviaux, même si en cherchant il est possible d’y trouver les différents itinéraires et les horaires des lignes. Soyons clairs : avec une « information » illisible, conjuguée à un service anémique (parfois un bus par semaine) avec des itinéraires aléatoires, personne hors les habitués ne prend(ra) jamais) le bus en Wallonie.
Et parce que souvent on doit utiliser plus d’un véhicule, les interfaces (en général les gares) ont toute leur importance. Si opportunément on multiplie les gares d’autobus à proximité de celles du chemin de fer, elles sont souvent trop étendues et imposent pas mal de marche, mais surtout l’usager descendant du train s’y trouve parfaitement perdu : dans la gare aucune information centralisée sur les transports locaux ; au dehors un autobus visible au loin mais qui s’avère être « en pause » ; une visite s’impose de chaque quai pour trouver la ligne de bus recherchée et son horaire.
Prendre le métro, tram ou bus à Bruxelles, prendre le train, s’avère encore faisable pour les non-initiés pas trop frileux. Se déplacer en bus en Flandre ou en Wallonie profondes est mission impossible. A ces conditions il ne faut pas s’attendre à une augmentation significative du recours aux transports publics sans un ressaisissement des responsables de nos quatre entreprises.
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Et pourtant il est si facile de faire mieux. Et ça ne coûte presque rien, comparé au prix pour faire rouler un train, ou construire un métro.
Pour être constructifs, quelques bonnes pratiques.
- Rendons à César : dans l’ensemble la STIB dispense une information de bonne qualité : de quoi en inspirer les autres
Plus spécifiquement
- Quelques (rares) régions, comme Namur ou Ostende, ont édité et parfois affiché – mais pas mis à disposition du public ! – des plans des réseaux urbains ; le TEC et De Lijn ont aussi quelques plans, non imprimés, disponibles sur internet, mais sans souci d’exhaustivité
- Quelques (rares) gares d’autobus comme Louvain ou Namur disposent d’un tableau général des départs avec indication du quai
A l’étranger
- A Paris (et parfois à Bruxelles) les stations sont munies de plans des environs
- A Lausanne par exemple, les annonces dans les bus indiquent les correspondances en temps réel (toutes les sociétés disposent actuellement de ces informations : l’effort à réaliser est uniquement logiciel)
- Dans de nombreuses villes françaises, l’information aux arrêts et sur le site est de très bonne qualité (sans préjudice du service lui-même, pas toujours à la hauteur sauf où il y a des trams)
- dans les gares néerlandaises figurent des plans du réseau ferré national (avec aussi les lignes privées !)
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Il n’y a aucune raison que tous nos exploitants de transports publics (ils ne sont que quatre) n’appliquent pas l’ensemble des bonnes pratiques existantes, et, a fortiori, que le TEC et De Lijn ne fassent pas partout ce qu’ils se montrent capables de faire à quelques endroits !
Une fois l’information à la hauteur, l’offre de transports en commun sera accessible aux non-initiés.
La voie sera alors ouverte à la promotion de l’offre de transports, en soignant l’image : touche finale pour convaincre le au grand public. Dix fois plus nombreux – rappelons-le – que les usagers actuels. On a donc, sans effort financier significatif, la source d’une augmentation sérieuse de la clientèle, et donc des recettes pour les exploitants.