Ce printemps 2016 a vu la suppression des derniers trains internationaux belges, hors TGV et semi-direct Bruxelles – Amsterdam. Il faut dire que ce train avait progressivement été déserté, à force de sabotage : au fil des années le temps de parcours jusque Bâle était passé progressivement de moins de 6 heures à plus de 7, à force de s’arrêter dans la moindre petite gare, et d’y rester parfois de longues minutes, juste pour le plaisir.
Cet épisode n’est que la conclusion d’une longue descente aux enfers, en contradiction parfaite avec l’évolution du monde où les déplacements internationaux ne cessent d’augmenter.
Et ce n’est qu’un des chapitres d’une déglingue qui, depuis la fin du siècle dernier, frappe nos chemins de fer : diminution constante de la vitesse des trains, jusqu’à la suppression des interurbains rapides (lntercity ; le nom est resté, affublant des parcours parfois omnibus), diminution de la régularité (90 % de trains à l’heure au lieu de 95, même si cela peut paraître modeste, c’est deux fois plus de trains en retard), diminution des fréquences (l’apparition médiatisée de trains « S » autour de Bruxelles ne peut pas cacher les fréquences en baisse, devenues vraiment anémiques : beaucoup d’arrêts urbains voient passer …un train par heure : grâce à la SNCB, la capitale de l’Europe restera bientôt la seule ville importante sans RER), anémie des dessertes locales, arrêts et gares d’un confort digne du Moyen âge, parfois même en ruines ; même les gares les plus récentes sont souvent sinistres: qui se plairait à prendre le train à Zaventem, Luchtbal, … ?
Ces résultats nonobstant des contributions de l’Etat à titre de service public parmi les plus élevées d’Europe. Où va donc l’argent ? Pour une part, clairement, à des chantiers interminables censés devenir des gares de prestige. Même des arrêts insignifiants sont parfois dotés d’immenses quais en béton, voire de parkings pour autos à étages ( !). Quant au matériel roulant, on ne lésine pas non plus sur la dépense, tant mieux pour le confort, mais au détriment de l’efficacité : cfr les dernières rames automotrices, très belles en soi mais aussi peu aptes tant à un RER qu’à un service interurbain, pour lequel elles sont largement utilisées. Des méthodes d’exploitation anachroniques grèvent aussi largement le budget courant ; la lenteur des trains coûte d’ailleurs aussi de l‘argent.
L’heure est venue où il est possible de renverser la vapeur. En effet, le dernier en date des CEO de la SNCB, fatigué, a annoncé son départ : il faut donc le remplacer. C’est l’occasion de repartir sur un bon pied.De grâce, Messieurs les responsables, mettez de côté votre ego politicien et recrutez quelqu’un qui soit à la hauteur des enjeux plutôt que de la « bonne » couleur. Il y va de l’intérêt général, dont vous êtes en charge, au nom des citoyens. Il existe des personnes au profil adéquat. Ce profil n’est pas technique : une telle entreprise ne se gouverne pas seul, la première mission du CEO est de s’adjoindre des collaborateurs compétents ; il y en a pas mal au sein de l’Entreprise, qui ne demandent pas mieux que de pouvoir exprimer leurs talents ; il y en a pas mal ailleurs aussi. Écouter les usagers est aussi une condition : au-delà de la défense de leurs intérêts, ce qui serait la moindre chose pour une entreprise de service public, des associations comme le BTTB ont développé une expertise pointue.
C’est vrai que la situation est difficile. Elle n’est pas pour autant désespérée, parce que le potentiel est énorme. Avec les moyens disponibles il est possible d’offrir un service de qualité.
La condition est que chacun y mette du sien. Il faut en priorité rétablir la confiance à tous les niveaux. Au sein de l’entreprise, rétablir la fierté cheminote, en phase avec les syndicats. Au sein du donneur d’ordre, l’Etat : confierà la SNCB une mission de service public ambitieuse, qui est réalisable sans dérapages budgétaires, simplement en affectant correctement les ressources. Au sein du public la confiance se rétablira au fur et à mesure des améliorations tangibles au niveau du service : remise en route de trains répondant à l’ensemble des besoins et attentes : des trains internationaux, interurbains, RER, des trains-trams pour les trajets locaux hors des grandes conurbations, …
Au-delà d’une simple légitimité, se ressaisir est pour la SNCB une condition de survie. Nonobstant toutes les manœuvres de retardement, nos chemins de fer n’échappent pas à une ouverture du marché. De nombreux opérateurs ferroviaires sont capables d’offrir beaucoup plus. Si l’opérateur historique ne se ressaisit pas, il est tout simplement condamné à disparaitre. Et vu l’inertie d’un tel paquebot, attendre encore serait suicidaire.