A une époque de spleen du transport routier, des âmes peu enclines à la nuance ont parfois envie de dire que les investissements routiers ne servent plus à rien.
Il est vrai que dans l’esprit des politiques germe de plus en plus l’idée que le développement à l’infini du transport routier n’est peut-être pas une voie d’avenir.
Dans les faits, pourtant, on n’arrête pas les nouvelles infrastructures à grande capacité, génératrices en tant que telles de trafic supplémentaire, et souvent destructrices de l’environnement. A titre d’exemple flagrant, l’autoroute Couvin – Rocroi, qui vient de raser des dizaines d’hectares de forêt. A la mode également les « rocades », ou contournements, qui se parent de la vertu de limiter le trafic au centre des localités, en favorisant le transit et les kilomètres supplémentaires. Ou encore les élargissements d’autoroutes, nuisibles à la sécurité parce qu’ils favorisent la circulation à 150 km/h ou plus : mieux vaut éviter l’incitation à la vitesse que déployer des policiers partout.
De nouvelles initiatives sont monnaie courante, et des projets sont encore pleins les cartons, n’attendant qu’un frémissement favorable de l’autorité pour lancer leurs bulldozers. D’ailleurs n’a-t-on pas entendu du Gouvernement wallon qu’on cesserait de bétonner… en 2050 ?
Il est vraiment temps d‘arrêter les nouvelles infrastructures augmentant la capacité (nouvelles routes, élargissements, …), génératrices de trafic (paradoxe de Braess). Mais pas d’arrêter les investissements pour autant.
D’abord pour l’entretien du réseau : tout le monde s’accorde sur le fait qu’il est tout sauf optimal. Et si les grands chantiers autoroutiers qui font la une du radio-guidage sont bien présents, beaucoup de rues et routes de notre pays restent dans un piètre état.
Et même sur les autoroutes, si on pense bitume, on ne semble pas avoir d’argent pour le marquage au sol : souvent, lorsqu’il pleut, les bandes de circulation des autoroutes même éclairées sont quasi invisibles. Ou restent carrément oubliées pendant des mois après le ré asphaltage.
Sur les autres routes la situation est très irrégulière, et donc piégeante pour les automobilistes : à une belle ligne droite bien marquée succède un virage où les bandes blanches soudain disparaissent ; pas de chance c’est à ce moment que croise un véhicule, avec ses phares en pleine face. Un bon marquage est pourtant bien plus facile à faire et infiniment moins coûteux qu’une nouvelle route. S’ils manquent d’inspiration, il suffit à nos gestionnaires (régions, communes) de s’inspirer de ce qui se fait en Grande Bretagne ou aux Pays Bas. Seul bémol apparent, peu défendable : ça ne permet pas de couper des rubans lors d’inaugurations.
Outre l’entretien, l’aménagement, souvent au prix de seulement un peu de peinture, permet des miracles en matière de sécurité routière et de confort des automobilistes, autres facteurs qu’ils apprécient autant que la vitesse : ici un dégagement pour tourner à gauche sans gêner les suiveurs ; là le marquage d’un espace où il est possible de s’arrêter, pour consulter son smartphone ou son gps par exemple, …
Et penser enfin sérieusement au partage de l’espace entre usagers, dont on nous rebat volontiers les oreilles. Si on veut augmenter la capacité d’une route en termes de personnes transportées, ce qui est le seul indicateur pertinent (au contraire du nombre de véhicules), il faut réserver en vrai (pas seulement dans le discours) aux modes performants l’espace qui leur est nécessaire pour circuler à l’abri des encombrements générés par les autres. Il s’agit des bandes réservées aux autobus et des bandes et pistes cyclables, à aménager pas seulement où on trouve un espace résiduel inutile aux autos, mais, en inversant le raisonnement, partout où ils sont utiles aux bus et deux roues.
A propos de stationnement : il y a dans notre pays de plus en plus de véhicules. Cela implique, si on ne veut pas bétonner plus, qu’on doit se résoudre à convertir certains espaces routiers en mètres carrés de parkings. Même si des progrès se font sentir, pas mal de routes et rues sont inutilement à quatre bandes ou pleines de zébrures improductives, alors que les difficultés de trouver une place pour s’arrêter augmentent continuellement.