Energie, quand tu nous obsèdes

C’est dit, il n’y aura bientôt plus de voitures à essence ou diesel à Bruxelles.  Et, un peu plus tôt ou plus tard, ailleurs non plus.

Alors quoi ?

« Il va de soi », dans l’esprit de beaucoup d’entre nous, que les voitures seront électriques.

Sûr ?

Sans nier les avantages des voitures électriques (qui ont aussi des inconvénients), le simple remplacement des moteurs à combustion par des moteurs électriques n’est pourtant pas évident.

En effet, la formule n’est pas sans poser des problèmes environnementaux, voire sociaux, vu les composantes et les réseaux de production des batteries.  Mais avant tout, elle consommerait des quantités d’électricité énormes par rapport à la situation actuelle.  Se pose donc la question de l’approvisionnement.

C’est-à-dire des centrales.  Nucléaires, à charbon ou à gaz ?  Inacceptable dirons-nous tous.  Il ne peut s’agir que d’énergie verte ; sauf qu’au rythme prévu et vu l’absence de stratégie énergétique en Belgique, il est tout à fait impossible que la production suffise dans les délais impartis.

Également des réseaux de transport et distribution.  Même question pour les réseaux de transport d’électricité, mais aussi les points d’approvisionnement : une voiture électrique stationne longtemps sur sa prise : combien faudra-t-il de postes, en voirie (sur combien d’hectares ?) ou à domicile (avec renforcement des compteurs), pour ceux qui ont la chance de disposer d’un garage, plutôt un privilège en ville ?

On voit tout de suite poindre les limites.  Qui font dire aux plus clairvoyants que « la » solution, si on veut alimenter les centaines de milliers de voitures qui fréquentent Bruxelles ou y résident, n’est pas une solution unique, mais bien un mix de contributions.

Oui mais : mix de quoi ?

L’alternative à l’électricité – présentement la seule – qui se pointe à l’horizon est l’hydrogène.  On ne se posera pas la question du prix, qui diminuera avec le développement de la formule, mais il est bien d’autres interrogations qui émergent.

Les mêmes en fait que pour l’électricité « directe ».

La production : « il va de soi » qu’elle doit être vert(ueus)e, ce qui impose le recours à l’électrolyse, qui consomme pas mal … d’électricité.  Celle-ci doit donc être verte.  On en revient au point précédent, et le mix définit jusqu’ici revient à ajouter de l’électricité, utilisée via l’hydrogène, à de l’électricité utilisée via des batteries.

Quant à l’approvisionnement, si la recharge se fait bien plus vite que celle des batteries, il n’en reste pas moins qu’il faut multiplier les points de charge, moins nombreux sans doute mais plus complexes qu’une simple prise électrique : se pose ici un problème de sécurité … et d’approvisionnement en électricité des stations de production d’hydrogène.

Bref, on n’est pas sortis de l’auberge : il n’y a en fait pas à l’heure actuelle de perspectives à terme raisonnable pour remplacer la consommation d’hydrocarbures des véhicules automobiles.  La seule solution réside en une réduction de cette consommation.

A cet égard intervient l’efficience énergétique des voitures.  Des progrès substantiels ont été fait ces dernières années, sous la pression d’une législation européenne qui a pris les choses en mains.  Cependant les limites physiques approchent : il n’est donc pas possible d’en attendre beaucoup plus.

Il faut donc se résoudre à améliorer l’efficacité énergétique non pas des véhicules, mais du système de transports et déplacements lui-même.  Et, en ville en particulier, la solution est toute simple, et éprouvée depuis des décennies : elle passe par un report modal.  Vers la mobilité active, sans recours ou quasi sans recours à une énergie externe : marche, vélo (éventuellement électrique, qui consomme dix à vingt fois moins qu’une voiture), etc.  Et vers les transports en commun : en mutualisant un véhicule pour dix, vingt, voire cent personnes, on consomme beaucoup moins.

C’est ce qu’on ne veut pas comprendre en Belgique, avec les voitures de société à prix forfaitaire (qu’on veut maintenant électriques pour se donner bonne conscience !), avec le refus du péage routier qui responsabiliserait quant à leur usage, et sans le RER qu’on s’obstine à ne pas mettre en place (un RER c’est un service de trains fréquents, pas en soi des voies de chemin de fer et des parkings), …

C’est aussi ce qu’on ne veut pas comprendre à Bruxelles, où on remet à peine en question la logique des parkings et des autoroutes urbaines (on veut remplacer le viaduc Reyers par un tunnel Meiser !).  Et où parallèlement on s’obstine dans le démantèlement du réseau de transports en commun (prochaines victimes les importantes lignes de tram 3, 4, 51 et 55 au profit d’un embryon de métro de cinq kilomètres à peine), qui, après l’est et l’ouest de l’agglomération, privera le nord et le sud d’un accès au centre-ville, et à son piétonnier.

Si on veut réduire les problèmes liés à la mobilité à Bruxelles, non seulement ses incidences sur l’environnement, mais également la mobilité elle-même, minée par la congestion chronique que l’électricité ou l’hydrogène ne résoudront pas, ce n’est pas sur des chimères mais sur les solutions qu’on doit mettre l’accent.  Responsabiliser quant à l’usage de la voiture.  Et offrir en alternative des transports en commun efficaces, qui conduisent de porte à porte, rapidement et confortablement.  Cela se fait ailleurs : en Suisse assez systématiquement, dans bien des villes d’Autriche, d’Allemagne, en Scandinavie : à Oslo il n’y a presque pas de voitures, et la mobilité comme l’attrait de la ville sont bien meilleurs que chez nous, …

Alors pourquoi pas à Bruxelles ?

 

This entry was posted in Non classé. Bookmark the permalink.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *